Lors de ma visite d’une exposition de tableaux de peintres impressionnistes (détenus dans le privé) au Musée de Marmottant, je redécouvris un tableau de Vernet ("Débuché devant le Grand Trianon") qui suscita de ma part les réflexions et recherches que voici :
Le Musée Marmottan Monet est un ancien pavillon de chasse de Christophe Edmond Kellermann, duc de Valmy*, acquis en 1882 par Jules Marmottan. Son fils Paul, mécène et historien d’art, en fit sa demeure et y hébergea sa collection d’objets et de tableaux datant du Premier Empire.
*Maréchal en 1804, sénateur en 1805, duc en 1808, il est maintenu en activité malgré son âge mais ne reçoit de commandement qu'à l'arrière… Membre de la chambre appelée à juger le maréchal Ney, il vote pour la mort. Il s'éteint dans son hôtel parisien du 54 de la rue Saint-Dominique le 13 septembre 1820, à l'âge respectable de quatre-vingt-cinq ans.
NB : le maréchal Kellermann était membre de la loge parisienne "Napoléon", dont il devint vénérable d'honneur en 1804 ; il fut par ailleurs à compter de 1803 Grand Garde des Architectes du Grand Orient.
Musée Marmottan
Pavillon de chasse Kellermann
Le Marechal Kellermann
Le tableau en question, attribué à Carl Vernet – Bidault, représente un débuché de l’équipage de l’Empereur (Napoléon I°) devant le Grand Trianon, en 1810 (Probablement un chevreuil, si l’on considère les chiens de meute, différents de ceux courants un cerf sur un autre tableau).
Tableau Carl Vernet - Bidault "Le débuché devant le Grand Trianon" - 1810 -
Détail - Agrandissement
Tableau de chasse au cerf (équipage Napoléon I°)
A propos du tableau : Le Grand Trianon :
Le souverain Louis XIV et sa famille aimaient passer leur temps en famille, par exemple au Grand Trianon ou à Marly, il chassait à courre dans les forêts des environs, y compris dans le parc du château de Versailles ; Le Grand Trianon est inséré dans le grand Parc de Versailles (815 hectares de verdure, de lacs artificiels, de bois). On connait aujourd’hui le Grand et le Petit Trianon, palais situés sur le Parc du Château de Versailles. On connait moins l’ancien village de Trianon, qui donna son nom aux palais d’aujourd’hui. Cet ancien village fut racheté par le Roi Soleil, Louis XIV, et entièrement rasé en 1668, dans le but précis d’en faire une dépendance du parc de son château, en construction depuis 1664. C’est ici qu’il fera construire un premier « Trianon », le Trianon de Porcelaine comme il fut surnommé à l’époque. Ce dernier sera rasé en 1687, suite à son état de délabrement avancé. C’est Jules Hardouin-Mansart qui dessinera les plans du Grand Trianon, succédant ainsi à Louis le Vau, qui avait fait ceux du Trianon de Porcelaine. Le Grand Trianon est l’un des plus élégants palais de France. Le château est composé de deux bâtiments, un au nord et un autre au sud, de part et d’autre de la grande Cour d’Honneur. Ces bâtiments sont reliés par une loggia, connue ici de façon inappropriée sous le nom de péristyle. La couleur dominante est ici le rose, de par l’emploi de marbre rouge du Languedoc.
Louis XV ne s’y installa, moyennant quelques transformations, qu’en 1749. Le Grand Trianon fut déserté par Louis XV à la fin du règne pour le Petit Trianon.
Napoléon, en 1805, put reprendre possession du palais qu’il s’attribua en partie, laissant l’aile gauche à sa mère. Celle-ci refusa d’y habiter, estimant qu’il y avait peu de commodités, ce qui mécontenta fort l’Empereur. Celui-ci n’y vint que pour chasser quelquefois. Il fallut attendre le divorce avec Joséphine en 1809, qui lui fit perdre sa résidence privée de Malmaison, pour qu’il décida de s’y installer définitivement. Finalement Napoléon occupa le palais entre 1805 et 1815.
1724-Jean-Baptiste Martin - Louis XV enfant en promenade en vue du Grand Trianon
Château de Versailles
Carte des distances - Le Grand Trianon au XVIII° siècle
Loustaunau Louis, Auguste, Georges (Paris1846, Versailles 1898) Ecole française - Le parc de Versailles, Le grand Trianon
Le grand Trianon au XX° siècle
Les Arcades
Vu sur jardin par le péristyle ouvert
Le cheval blanc de Napoléon :
Vizir, fut aussi un des favoris de l'Empereur qui le monta à partir de 1805 et l'emmena à Sainte ¬Hélène dix ans plus tard. Seul à être conservé, empaillé au musée de l'Armée, non loin de son maître dormant de son dernier sommeil sous le Dôme des invalides, il lui avait été offert par le sultan de Turquie, alors qu'il se proposait d'envahir l'Angleterre.
De race arabe, sa robe est " fleur de pêcher presque blanche, à tous crins, légèrement truitée alezan ", et il mesure seulement 1,35 m.
(On dressait, pour l’Empereur, des chevaux arabes qu’il préférait, parce qu’ils s’arrêtent à l’instant, et que, partant tout à coup, sans tenir sa bride, il fût tombé souvent si on n’avait pris les précautions nécessaires. Napoléon I° aimait à descendre au galop des côtes rapides, au risque de faire rompre le col à ceux qui le suivaient. Il a fait ainsi quelques chutes, dont on ne parlait jamais » 1… De même, à Trianon en mars 1813, une grosse frayeur suite à une chute de cheval le rendit morose pendant plusieurs jours et refroidit un temps son ardeur à la chasse 2.
1 - Rémusat, Claire-Elisabeth-Jeanne Gravier de Vergennes de. Mémoires de Mme de Rémusat, 1802-1808,
2 - Masson, Frédéric. « Trianon sous Napoléon ». Dans Revue de l’histoire de Versailles et de Seine)
Selon Pierre Branda : « Napoléon et ses hommes » (l’Empereur chassait le cerf ou le chevreuil après avoir généralement recherché lequel était le plus courable)
Les tenues de vénerie :
Sur un tableau du peintre de l’époque « Flameng », on peut voir que l'Empereur porte sa tenue habituelle de vènerie, mais avec sa gabardine classique par dessus.
On y voit aussi quelques dames en tenue de cavalière ; Ce tableau est magnifique et semble mettre les deux sources d'accord, avec d'un côté, le collet et les parements verts galonnés pour les maîtres (officiers) et de l'autre , les collets rabattus et les parements rouges (normalement amarante) pour les hommes (les piqueux ou valets de chiens montés) , hormis les valets de chiens à pied qui l'avaient droit et très court. Ce paradoxe des deux sources montrant parfois la tenue entièrement verte et d'autres fois avec les parements et les collets rouges ont fait dire à certaines conservations de nos chers Musées qu'il pouvait exister deux uniformes : un de grande tenue avec les agréments rouges et un de petite tenue totalement verte. C'est une théorie à laquelle nous n'adhérons pas. Monsieur Charles-Jean Hallo, qui fut en son temps l'expert incontesté de la tenue de vénerie, avait passé, en tant que conservateur du musée de Senlis, une bonne partie de sa vie sous le tableau de Charles-Horace Vernet (Chasse de Napoléon 1er au Bois de Boulogne - copie de celui de l'Ermitage)et eu à cette occasion tout le loisir d'y distinguer les parements et les collets amarantes, qu'il a d'ailleurs magistralement reproduits dans son magnifique et incontournable Bible de l'historique des tenues de vénerie : de la cape à la botte , chez Crépin-Leblond. Dans un tout autre registre, le lien de ma page consacrée aux tenues de la Louveterie Impériale placée sous les ordres du Grand Veneur, le général Berthier
Un dessin de Job montrant Napoléon à la chasse avec une tenue de vénerie à col rabattu. La tenue à collet rabattu est celle de la Vénerie Consulaire de Bonaparte (vue par JOB qui possédait la tenue de piqueux de cet équipage) en aucun cas celle de l'Empereur ...
Le collet sur la tenue de la Vénerie Impériale était droit pour les officiers et retombant pour les piqueux (valets de chiens montés) - à la Restauration, on assistera à l'inverse pour la Vénerie Royale - Les valets de chiens à pied de la Vénerie Impériale étaient vêtus d'une veste qui portait aussi le collet droit.
L’homme au turban blanc, Roustam Raza :
Il était issu d'une famille arménienne. En 1797, il fut acheté à Constantinople par Sala-Bey, l'un des 24 gouverneurs de l'Égypte. Celui-ci l'affranchit et l'intègre dans son corps de cavalerie de mamelouks. À sa mort, il passe au service du sheik El Bekri au Caire, ami du général Napoléon Bonaparte. Peu avant le retour en France de ce dernier, en août 1799, il postule pour passer à son service et est accepté.
Dès lors, sa vie bascule : il va suivre comme son ombre le premier Consul, puis l'Empereur, à travers toute l'Europe, pendant quinze années. Il participe à sa toilette et à son repas, entretient ses armes. Il fait aussi fonction de garde du corps, dormant toujours dans la chambre voisine de son maître, voire en travers de sa porte à certaines périodes. Caracolant en tête des cortèges de parade en superbe costume oriental (notamment lors du Sacre en 1804), il rappelle par sa seule présence que Bonaparte fut le conquérant de l'Égypte.
(Souce :Wikipédia)
Détail grossi du tableau (on remarquera la présence d'un grenadier)
Roustam Raza , le mamelouk par Paillot de Montalbert
Veneurs (pouvant être présents sur le tableau) :
- Berthier fait partie de la promotion de maréchaux de 1804et est nommé Grand Veneur la même année.
- Soult… (selon Pierre Branda – Napoléon et ses hommes-)
- Caulaincourt (grand écuyer)
Berthier (Le "Grand Veneur")
Soult
Caulaincourt
Piqueurs (pouvant être présents sur le tableau) :
- Louis-Étienne Saint-Denis : le 1er mai 1806, grâce à la recommandation d' armand de Caulaincourt, que son père connaît, il entre aux équipages de la Maison de l'Empereur comme piqueur. Cinq ans plus tard, le 11 décembre 1811, il est choisi par napoléon pour passer au service intérieur en tant que second valet de chambre.
- Les frères Achille et Joseph Archambault : valets d’écurie
(Achille Archambault était l'un des fidèles de Napoléon.
Né le 13 octobre 1792, celui-ci passa son enfance à l'hospice du Mont-Pierreux à Fontainebleau avant d'entrer, grâce à l'intervention de l'impératrice Joséphine, au service des chevaux de l'empereur. Le jeune orphelin n'avait que 15 ans, mais son destin était déjà tracé, dans le sillage du futur vainqueur d'Austerlitz. Le "cocher préféré" du souverain le suivit dans son premier exil à l'île d'Elbe, puis à Sainte-Hélène en 1815. Sur l'île, les restrictions budgétaires étaient drastiques tandis que la santé de l'empereur déclinait. Durant les dernières années, il ne montait plus à cheval. Archambault le servit alors dans ses appartements au même titre que les autres serviteurs. Avec une dévotion particulière et infinie : c'est lui qui soutint la tête du défunt durant la prise d'empreinte du masque mortuaire, le 7 mai 1821. C'est lui aussi qui, quelques jours plus tard, mena par le mors le dernier cheval de Napoléon, juste derrière son corbillard.)
Le piqueux Louis-Etienne Saint-Denis
Dans la hiérarchie des écuries, les piqueurs et les sous-piqueurs venaient immédiatement après les commandants et les premiers piqueurs. Les piqueurs (on les appelait ainsi parce qu’ils piquaient de leurs éperons le cheval pour le débourrer)
Diverses sites-sources intéressants :
http://books.google.fr/books?id=h7HV0CeoNegC&pg=PT196&lpg=PT196&dq=veneurs++Napol%C3%A9on+I%C2%B0&source=bl&ots=5rLgZZIqwc&sig=Zybsdur9feEfaED_wmTdnSo5
http://insitu.revues.org/9707 : Les écuries de Napoléon : une parenthèse dans l’histoire de l’équitation ou la chance d’un renouveau ?
(Un site passionnant)
http://moustache-empire.pagesperso-orange.fr/napoleon_et_les_chiens
Les chasses impériales de Napoléon Ier
Par Charles-Eloi Vial, diplômé de master
(Thèse soutenue en 2011 : NAPOLEON ET LA CHASSE, ENTRE RUPTURE ET CONTINUITE)